22 novembre 2024

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23 juin 2011-23 juin 2021: autres temps, mêmes mœurs politiques

Un régime déchu, des attentes déçues, des maux qui persistent ! Voilà en un mot comme en mille le résumé de la décennie qui a suivi la Révolution du 23 juin 2011. Si les évènements de ce jour-là ont précipité le départ du président Wade, principal artisan de ce chaos qui a failli basculer le pays dans l’instabilité, ils n’ont pas servi de leçons à ceux qui lui ont succédé. Après dix ans donc, le constat reste assez amer, puisque l’on revit presque fidèlement ce contre quoi le peuple a opposé une farouche résistance à Abdoulaye Wade tant sur le plan social que politique.

Quand la Rue publique manifestait contre les tenants de la République, le 23 juin 2011, ce n’était pas pour faire partir un homme ou faire capoter son projet de dévolution monarchique du pouvoir. Derrière la monstrueuse mobilisation, inédite et spontanée, était la volonté de défendre des principes et des idéaux si chers à la création d’un Etat de droit. En vérité, même si le président Wade était la cible immédiate de la déferlante de colère qui s’emparait des rues de Dakar, pour s’étendre dans les autres villes du pays, ce serait très simpliste de croire ne serait-ce qu’une seconde que le combat était personnel. Voilà l’erreur que font certains et qui fait que, des révolutions, quelque part dans le monde, peinent à être l’occasion d’un nouveau et bon départ.

Comme ce qui se passe actuellement en Algérie avec le mouvement Hirak qui est condamné à renouer avec les manifestations qui ont mis fin au règne des Bouteflika, le Sénégal est retourné à la case-départ. L’après-23 juin qui devait être l’occasion de repréciser le jeu politique et citoyen, de repartir sur de nouvelles bases consistant à mettre le curseur sur la promotion de l’Etat de droit, de rendre réelle la séparation des pouvoirs judiciaires, législatifs et exécutifs, n’a été en réalité qu’un récital de leçons non sues. La vérité est que beaucoup laissent à désirer dans les actions des autorités actuelles, naguère farouches membres du M23 et manifestants assidus et réguliers. Qui ne se rappelle pas l’opposant Macky Sall, avec son petit matelas qu’on appelle « mer gaddu », décidé de passer la nuit à la belle étoile pour que le président Wade retire son projet de loi sur le ticket présidentiel et e quart bloquant? Qui ne se souvient pas de l’actuel président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, pierres à la main, prêt pour en découdre avec les forces de l’ordre? Oui ce beau monde qui dirige notre cher pays aujourd’hui n’avait pas raté le train de l’histoire de ce 23 juin, ils n’en étaient pas que des spectateurs, ils en étaient de vrais acteurs et le mérite leur revient aussi si il y a eu gain de cause.Voilà pourquoi on ne peut qu’avoir mal, très mal même, quand on constate que l’histoire bégaie et que les mêmes maux qui ont conduit au soulèvement populaire, rythment notre quotidien. Après 10 ans, les mêmes mœurs sont reconduites, les mêmes pratiques hétérodoxes, des décisions et choix aux antipodes de l’Etat de droit. Aujourd’hui plus que jamais, les droits et libertés individuelles sont bafouées, notamment celles dites fondamentales à l’instar du droit d’opinion, d’expression, d’association, reconnues et jalousement préservées par la Constitution de notre pays. Moins que pour des raisons économiques et sociales- sur ce plan il faut admettre que Wade avait enregistré quelques bons points- le président libéral avait surtout provoqué de par ses agressions répétées à l’Etat de droit. Une phrase d’Alioune Tine, alors président de la Raddho, résume bien le personnage Wade dont il disait que c’est « un bâtisseur d’infrastructures mais un démolisseur d’institutions« .Les leçons non sues du 23 juin, clientélisme et violation des libertés fonndamentalesLe clientélisme et la gabegie dont on accusait le Pape du Sopi d’être promoteur ont eu de beaux jours sous le régime actuel. S’il est vrai que de grandes infrastructures ont été réalisées, de gros chantiers sortis de terre grâce à la vision de Mack Sall, il est tout autant irréfutable que l’Etat de droit est en éternelle souffrance du fait des agressions répétées faites aux droits les plus fondamentaux. A l’interdiction récurrente de manifester, l’interpellation récente du rappeur Kilifeu et de l’activiste Guy Marius Sagna en est une preuve par neuf, il faut ajouter le recours à la stratégie de de la terreur. Comme avec Wade en 2011, les partisans du président Sall s’offrent les services de nervis pour s’imposer et imposer leur volonté. La visite mouvementée du Chef de l’Etat dans le Fouta, la semaine dernière, prouve à suffisance que de réelles menaces planent sur la vie des citoyens lambda, incapables de se payer une sécurité privée. Tout ceci constitue donc un cocktail explosif qui, si l’on n’y prend garde, risque d’embraser le pays in fine.Quand bien même la plupart des identités remarquables du 23 juin 2011ont rejoint le camp présidentiel, l’esprit de la Révolution continue de prévaloir et de renaître chez les Sénégalais réunis aujourd’hui autour du M2D (Mouvement pour la Défense de la Démocratie). Le rassemblement populaire que compte tenir ledit mouvement ce 23 juin en guise de commémoration est une manière de rappeler aux autorités étatiques que rien n’a pratiquement changé malgré le changement d’équipe et qu’ils n’ont pas le droit de remettre en cause les acquis pour lesquels ils étaient eux-mêmes prêts à mourir.Par Ababacar Gaye/SeneNews